La maison de la famille Romieu

Il y a quinze jours, à l’occasion du rendez-vous mensuel organisé par le groupe Facebook « Raconter sa généalogie », je vous embarquais à mes côtés dans une enquête généalogique pour tenter d’identifier un portrait de famille.

Le point de départ ? Une photographie ancienne en noir et blanc dont le dos nous indiquait qu’elle avait été prise à Montlaur. L’objectif était donc de déterminer s’il s’agissait de notre Montlaur dans l’Aude ou bien de l’un de ses homonymes.

L’étude attentive des individus photographiés et des inscriptions portées au dos du cliché nous avait permis d’orienter les recherches vers une famille en particulier et de dater approximativement la photographie.

Si ces premiers résultats étaient plutôt encourageants, il ne suffisaient pas à prouver que la photographie avait bien été prise dans l’Aude.

Il nous restait toutefois une dernière piste à explorer ensemble : celle de la maison servant de toile de fond au cliché. C’est l’objet du billet de ce jour.

Si nous parvenons à rattacher la maison de la photographie à une maison du village, en espérant que la façade n’ait pas été trop remaniée au cours des dernières décennies, alors nous aurons peut-être enfin la preuve ultime que le Montlaur mentionné au dos de la carte était bien situé dans l’Aude.

Une discussion providentielle

Je vous avais expliqué avoir tenté, en vain, d’identifier la maison au hasard de mes déambulations dans le village.

J’envisageais donc de poursuivre l’enquête dans les archives cadastrales lorsqu’une discussion providentielle avec un habitant du village, appelons-le monsieur D., m’a fait faire un bon de géant.

Nous discutions histoire locale et sources de référence, lorsque monsieur D. m’explique qu’il voit très bien qui était la famille Romieu, puisque l’une des deux sœurs était la marraine de son père.

Quant à la maison, bien sûr qu’il sait où elle se trouve ! Il tempère toutefois mon enthousiasme en me rappelant qu’il y a d’autres Montlaur en France et que Romieu n’est pas un nom de famille si rare.

Qu’à cela ne tienne, notre enquête repart de plus belle sur la base de cette piste inattendue. Dans quelques minutes, nous en aurons le cœur net.

Premier indice concluant, l’adresse indiquée fait sans le moindre doute partie du « Quartier Sud » mentionné dans le recensement.

Il ne reste alors plus qu’à se rendre sur place pour comparer la photographie en ma possession et la maison indiquée par mon informateur.

Pour préserver la vie privée de ses propriétaires actuels, je n’ai pas pris de photo de la maison. Il faudra donc nous contenter de l’image capturée par Google en 2008.

Quelques détails ont changé depuis ce cliché et la qualité de l’image n’est pas extraordinaire mais toutefois suffisante pour une comparaison. D’ailleurs n’hésitez pas à cliquer sur les images pour les agrandir.

Quelques différences sautent immédiatement aux yeux. Premièrement, les larges blocs de pierre placés en avancée ont disparu et la façade a été crépie. Ensuite, la plante grimpante a laissé la place à un câble de raccordement électrique qui grimpe lui aussi le long de la façade, quoique de façon moins poétique.

En dehors de cela, la façade n’a pas tellement changé. Tout d’abord, on a bien affaire à une maison construite en retrait de la rue. En outre, on retrouve bien l’encadrement de brique autour de la porte et de la fenêtre.

Quant aux pierres de taille dont je croyais qu’elles formaient l’angle de la maison, il s’agit en réalité de l’encadrement de la porte de la grange attenante à l’habitation. Porte de grange qui apparaît de façon évidente sur le premier cliché dès que l’on en connait l’existence.

Fin d’enquête au cadastre

Le mystère semble donc résolu mais rien ne nous empêche de chercher une dernière preuve dans les matrices cadastrales, conservées en série 3P aux archives départementales de l’Aude.

La matrice des propriétés bâties couvrant la période 1882-1911 nous apprend qu’Antoine Romieu (case 185), succédant à son père Jean, est propriétaire d’une maison construite sur la parcelle A 377 du cadastre napoléonien.

extrait du plan cadastral de 1831 montrant l'emplacement de la maison appartenant à la famille Romieu
La parcelle A377 sur le plan établi en 1831 – source : archives départementales de l’Aude

En 1831, au moment où le premier plan cadastral est arrêté, il s’agit d’une simple parcelle de terre, non bâtie. Toutefois, après comparaison avec les plans actuels, il s’agit bien de la parcelle identifiée sur le terrain. Alors de quand date la maison et comment devient-elle la propriété de la famille Romieu ?

La première matrice, établie en 1833 nous apprend que la famille Romieu habite alors Roquenadieu, un hameau situé au sud du village. Le recensement de 1846 nous apprend que seules deux familles habitent le hameau : les Romieu (ou Roumieu) et les Bourianes.

Vers 1875, souhaitant sans doute se rapprocher des commerces et autres commodités offertes par la vie moderne, la famille Romieu, achète une parcelle à l’intérieur même du bourg, notre fameuse parcelle A377. Le changement de propriétaire est enregistré dans la matrice cadastrale en 1877. A cette date, il s’agit toujours d’un terrain non bâti.

Pour découvrir la suite de l’histoire, il faut donc reprendre la matrice établie en 1882.

la case cadastrale listant les biens appartenant à Antoine Romieu, propriétaire à Montlaur dans l'Aude
La famille Romieu, case 185 de la matrice cadastrale de 1882 – source : archives départementales de l’Aude

Sur la première ligne, on retrouve la maison de Roquenadieu. Elle est considérée comme désaffectée en 1908 et est désormais enregistrée en tant que bâtiment rural.

La construction de la maison du village débute certainement très rapidement après l’achat du terrain puisque dès 1883, elle est imposée. Deux ans plus tard, après l’achèvement des travaux, elle est réévaluée.

Le nombre d’ouverture servant de base à l’imposition, c’est cette information qui figure sur la matrice plutôt que la superficie de la maison. Nous savons donc que la maison disposait de 8 ouvertures, un nombre conséquent pour l’époque !

Voici donc la fin d’une enquête qui m’a menée de photographie en ouvrages sur l’histoire du costume, d’échanges avec les habitants en exploration du village sur le terrain et dans les matrices cadastrales.

Tous les indices concordent, la photographie achetée sur un coup de tête il y a quelques semaines a bien été prise dans l’Aude. Quant à moi, je peux maintenant refermer ce dossier et j’espère avoir bientôt l’occasion de vous proposer une nouvelle enquête généalogique.

logo du challenge "la photo du mois" organisé par le groupe Facebook "raconter sa généalogie"
SOURCES :
  • échanges avec monsieur D.

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3 commentaires sur « La maison de la famille Romieu »

    1. C’était très satisfaisant d’arriver à une conclusion définitive et en même temps, je suis un peu triste que tout soit déjà fini. Tout est allé tellement vite à partir du moment où j’ai parlé à la bonne personne. J’aurais bien passé un peu plus de temps avec cette famille.

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