La famille Romieu prend la pose

Le groupe Facebook Raconter sa généalogie propose un rendez-vous mensuel intitulé La photo du mois. Si la généalogie et l’histoire locale de Montlaur sont toujours au rendez-vous, c’est un billet d’une forme un peu différente que je vous propose de découvrir aujourd’hui.

logo du challenge "la photo du mois" organisé par le groupe Facebook "raconter sa généalogie"

Il y a quelques mois, j’ai repéré sur Delcampe, une carte-photo intitulée par le vendeur « La famille Romieu de Montlaur ». Mais des villages appelés Montlaur, il en existe plusieurs en France : en Haute-Garonne, dans l’Aveyron, dans la Drôme… et bien sûr le notre, dans l’Aude.

Or en enquêtant sur l’histoire de ma maison, j’ai eu l’occasion de m’intéresser à une certaine Marguerite Maurel, née Romieu… Intriguée par cette coïncidence, j’ai fait une recherche rapide sur Geneanet en associant le patronyme « Romieu » et la commune « Montlaur ». Les 517 résultats trouvés par le moteur de recherche pointent tous vers l’Aude.

Il n’en fallait pas plus pour me décider à acheter cette photographie ancienne et tenter d’en identifier les personnages.

Un portrait de famille à décrypter

Au recto, la carte postale présente un portrait de famille en noir et blanc. Une étude attentive des personnage et du décor permet d’orienter la suite des recherches.

photographie ancienne de la famille Romieu prise vers 1915 à Montlaur
La famille Romieu vers 1915 – photo : collection particulière

Trois générations semblent être présentes sur cette photographie : un couple entre deux âges, leurs deux filles, jeunes adultes, et une aïeule, assise au centre.

Vêtements clairs et donc salissants pour les demoiselles, chaussures de cuir, chevalière et montre en sautoir pour la fille aînée sans compter le fait même de prendre la pose et de faire imprimer ces cartes postales, tout indique que l’on a affaire à une famille relativement aisée.

Le père de famille porte moustache volumineuse, nœud papillon et montre de gousset. Nous sommes donc situés entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle.

La tenue des deux demoiselles évoque également le premier quart du 20ème siècle. Toutefois, elles n’arborent pas la silhouette en S des premières années du siècle. Leurs robes/jupes, à taille très haute, rappellent plutôt la silhouette empire ou directoire qui revient à la mode dans les années 1910 d’après ce catalogue d’exposition.

Leurs cheveux sont relevés en chignons bas et plaqués, donnant presque l’impression de cheveux courts. La mode du chignon très haut et très volumineux est passée, là encore un indice nous orientant vers le milieu des années 1910.

La tenue de l’aïeule est moins significative. A son âge avancé, elle ne se préoccupait plus de suivre la mode. La mère, quant à elle, semble porter le demi-deuil, information importante pour la suite de l’enquête.

Au regard de tous ces éléments, cette photographie a donc été prise au milieu des années 1910, juste avant ou plus certainement pendant la Première Guerre Mondiale. Il n’y a d’ailleurs pas d’homme jeune sur cette photographie.

Toute la petite famille a pris la pose devant la maison. Maison, dont on ne voit que quelques détails : une grande porte pleine à encadrement de brique, une fenêtre assortie, un pied de glycine ou de vigne qui court sur la façade. De grandes pierres de taille semblent former l’angle de la maison, tandis que deux larges blocs taillés sont posés en avancée, de part et d’autre de la porte.

Même si la maison est toujours debout, sa façade a sans doute été remaniée plusieurs fois au fil des années. Une simple promenade dans le village, photographie en main ne m’a pas permis d’en retrouver l’emplacement.

De précieuses informations au verso

Le dos de la carte postale comporte également des informations précieuses pour la suite de cette enquête généalogique.

dos d'une carte postale présentant la famille Romieu de Montlaur dans l'Aude
Le dos de la carte – photo : collection particulière

Tout d’abord, une mention manuscrite du photographe, a été tracée au crayon à papier par le photographe :

II
Bernon
Veuve Romieu
40×50
Montlaur
soigné tel que buste

La photo concerne donc bien une famille Romieu de Montlaur. Ce que confirme l’inscription portée dans le coin supérieur gauche, d’une main tremblante :

grand-père Romieu
Maman
bonne-maman
tante Antoinette
assise arrière-grand mère Romieu
devant la maison
à Montlaur

Nous découvrons donc les lien entre les différentes personnes et la confirmation que 3 générations sont présentes sur la photo. Un seul prénom est mentionné, celui de la tante de l’auteur(e) du commentaire : Antoinette. C’est déjà beaucoup pour tenter une identification et en même temps insuffisant pour en tirer des conclusion définitives.

Qu’à cela ne tienne, cette Antoinette Romieu nous servira de pivot pour identifier les autres personnages. Il n’y a donc plus qu’a espérer trouver dans les archives une certaine Antoinette Romieu, âgée d’environ 15 à 20 ans, à vue de nez, en 1915.

Poursuite de l’enquête dans les archives

Puisque nous avons une famille complète posant devant sa maison, le plus simple est de consulter les recensements. Malheureusement, celui de 1911 n’est pas disponible en ligne. Il faut donc nous contenter de celui de 1906, disponible sur le site des archives départementales de l’Aude.

Composition de la famille Romieu, selon le recensement de 1906 à Montlaur (Aude)
La famille Romieu en 1906 – source : archives départementales de l’Aude

Dans le Quartier Sud, on tombe rapidement sur une famille Romieu, composée de 7 membres : un couple : Antoine et Elisa(beth), leurs 3 enfants : Léa, Antoinette, et Elie ainsi que les grands-parents paternels des enfants : Jean et Marguerite.

En considérant que la photographie a été prise vers 1915, les parents, Antoine et Elisa, auraient respectivement 51 et 41 ans sur le cliché. Quant aux filles, Léa et Antoinette, elles auraient respectivement 22 et 17 ans. Marguerite, enfin, aurait 83 ans.

Pour l’instant, notre hypothèse semble de plus en plus crédible. Toutefois, où sont passés Elie et Jean, présents au recensement de 1906 mais absents de la photographie ?

Souvenez-vous de la tenue de demi-deuil de la mère de famille ainsi que de l’inscription au dos de la carte. Il s’agit d’une commande de la « veuve Romieu ». Le photographe nous le dit lui-même, Jean Romieu est décédé au moment où il prend son cliché. Et en effet, les registres d’état civil nous apprennent qu’il est mort le 18 janvier 1911, à l’âge de 81 ans.

Quant à Elie, une visite au cimetière communal nous apprend qu’il est malheureusement décédé le 28 décembre 1908. L’un comme l’autre ne peuvent donc pas figurer sur une photographie prise autour de 1915.

En poursuivant les recherches dans les registres d’état civil, on apprend que Marguerite Salvet est décédée à son tour le 24 décembre 1921.

Sur la base des personnes présentes sur le cliché, la photographie aurait donc été prise entre 1911 et 1921, une fourchette de datation compatible avec notre hypothèse de départ.

Dans la mesure, où elle a été éditée sous forme de carte postale, on peut imaginer que la commande avait pour but de pouvoir écrire à des soldats partis au front, cousins ou fiancés.

A ce stade de notre enquête, tout porte donc à croire que cette photographie a bien été prise dans l’Aude. Seul une recherche dans les matrices cadastrales nous permettra de confirmer définitivement ou de rejeter cette hypothèse.

En attendant, un dernier indice vient renforcer encore l’hypothèse audoise : après son mariage, Léa Romieu (« maman » au dos de la photo) suit son mari au gré des mutations de ce dernier, fonctionnaire des contributions indirectes. Le couple finit par s’établir à Agen… où a été achetée cette carte.

Enfin, un mystère subsiste : que tient Léa dans sa main droite ? Posée sur Facebook, la question a reçu des réponses aussi nombreuses que variées. Je vous laisse formuler vos hypothèses.

SOURCES :

En savoir plus sur Histoire(s) de Montlaur

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

15 commentaires sur « La famille Romieu prend la pose »

    1. Merci. Je vais continuer à creuser pour essayer de retrouver la maison et dater plus précisément la photo mais dans l’Aude c’est un peu compliqué : très peu de documents ont été mis en ligne sur le site des archives et la salle de lecture n’est ouverte que du lundi au jeudi au horaires « de bureau ». Donc je ne peux pas m’y rendre souvent.

      Aimé par 1 personne

    1. Merci. Léa et Antoinette ont eu des destins pas tout à fait « ordinaires » et on trouve donc assez facilement la trace de leurs époux et descendants. Toutefois, elles ont quitté le village en se mariant. Il n’y a donc plus (à ma connaissance) de descendants sur place. J’en ai aussi parlé avec quelques « anciens » du village et ce nom de famille ne leur évoque rien.

      J’aime

Laisser un commentaire