Vol au hameau de Réqui

Si l’on en croit la nature des faits divers mentionnés dans la presse ancienne, il fait plutôt bon vivre à Montlaur. Certes, comme ailleurs, la mortalité infantile y est relativement importante et des drames endeuillent régulièrement la vie de ses habitants mais le crime y est plutôt rare en ce début de 20ème siècle.

Braconnage, divagations d’animaux et querelles de voisinage constituent l’essentiel des délits rapportés dans la presse locale. Même les vols semblent rares. A tel point que lorsque la distillerie coopérative est cambriolée en 1933, c’est la stupéfaction générale !

Le titre de mon article est d’ailleurs un peu mensonger car c’est vraisemblablement à Carcassonne et non à Montlaur qu’a été commis le vol dont je vous parle aujourd’hui.

Le vol d’un porte-monnaie bien garni

article de presse de 1901 relatant un vol de porte-monnaie à Montlaur (Aude)
« Le Midi » du 17 novembre 1901 – source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

– Ce matin, à 9h. 1/2, la nommée Elise Maurel, demeurant au hameau de Ricquier, commune de Montlaur, est venue déclarer au bureau de police qu’il venait de lui être soustrait un porte-monnaie contenant la somme de 70 francs. Une enquête est ouverte à l’effet de découvrir l’auteur du vol.

L’article nous précise qu’Elise Maurel se fait dérober la somme de 70 Francs mais comment mesurer l’importance de ce vol, presque 120 ans plus tard ?

L’Insee propose un outil très pratique qui permet d’actualiser instantanément une somme en lui appliquant l’inflation cumulée. Ainsi, les 70 francs dérobés à Elise Maurel en 1901 correspondraient à 313, 39 € en ce début d’année 2024.

Cependant, cette conversion ne suffit pas à nous donner une représentation précise de cette somme. En effet, cela ne nous dit pas ce que l’on pouvait acheter avec une telle somme où le temps qu’il fallait pour la gagner.

Un document de 1904 nous apprend que le salaire minimum d’un ouvrier agricole à Montlaur était alors fixé à 2,5 francs par jour. Ce jour-là, Elise Maurel a donc dans son porte-monnaie l’équivalent d’un mois de salaire pour un ouvrier. Cette information nous offre un nouveau moyen de nous représenter la somme transportée par Elise Maurel, sans doute plus parlant.

Si l’on oublie un instant le montant brut de 70 francs pour considérer que ce montant représentait alors un mois de salaire, cela signifie donc qu’Elise Maurel transportait près de 1 400 € (montant du SMIC mensuel net au 1er janvier 2024). En termes de valeur relative, on est donc bien loin du montant de 313,39 € indiqué par l’Insee !

Il semblerait bien imprudent aujourd’hui de circuler dans Carcassonne avec une telle somme mais à une époque où la carte bleue n’existait pas, tout achat se réglait en espèces sonnantes et trébuchantes.

Les commerces étaient nombreux et variés à Montlaur. On y trouvait tous les biens de première nécessité. On peut donc imaginer que si Elise Maurel s’est déplacée jusqu’à Carcassonne, c’est qu’elle était plutôt aisée et avait des achats dits « de confort » relativement conséquents à effectuer. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant qu’elle transporte autant d’argent.

Le vol venant d’être commis au moment où le journal est imprimé, l’article ne peut pas nous apprendre si le voleur a été retrouvé et l’argent restitué. Les archives judiciaires pourraient peut-être m’en apprendre d’avantage mais il est aussi fort probable que le voleur n’ait jamais été identifié.

En revanche, s’il est bien quelqu’un que l’on peut essayer d’identifier plus précisément, c’est la victime, Elise Maurel. L’article nous dévoile bien peu de choses à son sujet mais une recherche dans les archives pourra sans doute nous en apprendre d’avantage.

Elise Maurel, née Biscans

L’article nous précise simplement qu’Elise Maurel réside au hameau de Réqui (orthographié Ricquier), à Montlaur. Le vol aurait eu lieu quelques années plus tôt, cet indice aurait été bien insuffisant.

En effet, au 19ème siècle à Montlaur, les femmes répondant au nom d’Elise Maurel sont légion. Il en va de même pour les Maurel domiciliés au hameau de Réqui qui semble être le berceau de la famille.

Heureusement, au début du 20ème siècle, la situation est un plus simple pour le généalogiste amateur. D’une part, les diverses branches Maurel s’éteignent peu à peu, diminuant ainsi le nombre de porteurs de ce nom de famille et d’autre part la plupart des Maurel encore vivants ont alors quitté le hameau de Réqui pour s’établir dans le centre du village.

D’ailleurs, si le hameau de Réqui existe toujours aujourd’hui, peu d’habitants y résident encore à l’année. Il fait désormais le bonheur des vacanciers et abrite également l’atelier de Julien Martre, producteur d’huiles essentielles et d’hydrolats 100% bios commercialisés sous la marque Boèmia.

Comme bien souvent, c’est vers les recensements de population que j’oriente la suite de mes recherches. Celui de 1901, disponible sur le site des archives départementales de l’Aude, nous offre rapidement la réponse. Une seule femme prénommée Elise habite le hameau de Réqui. Il s’agit d’Elise Biscans, épouse d’Alfred Maurel.

Extrait du recensement effectué en 1901 à Montlaur (Aude)
La famille Maurel au hameau de Réqui en 1901 – source archives départementales de l’Aude

Le jeune couple vit avec son fils Bernardin, âgé de 1 an et la nourrice de ce dernier, Marie Pons. La présence de cette nourrice à domicile, sans doute venue d’assez loin, est un indice supplémentaire sur le niveau de vie de la famille Maurel.

Comme le suggérait la somme dérobée à Elise Maurel, nous avons définitivement affaire à un couple relativement aisé. Cette information sur la composition du foyer, que l’on ne peut obtenir qu’en étudiant le recensement complète et éclaire l’article découvert dans la presse.

De manière générale, lorsque l’on fait des recherches généalogiques, c’est en croisant les sources et les natures de documents étudiés que l’on parvient à reconstituer une image la plus précise et complète possible d’un individu, d’une situation ou d’un événement.

Chaque source apporte une information différente, plus ou moins importante mais toujours utile. Toutefois, il ne faut pas oublier que même en présence de sources nombreuses et riches en informations, l’image reconstituée au terme de nos recherches reste incomplète et surtout teintée de notre interprétation.

SOURCES :

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2 commentaires sur « Vol au hameau de Réqui »

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