Un braconnier au caractère bien trempé

Lorsque je feuillette la presse ancienne à la recherche de nouvelles pépites d’histoire locale, une rubrique en particulier retient toujours mon attention : la chronique judiciaire. Ce ne sont habituellement pas les grandes affaires criminelles qui m’intéressent mais plutôt les 1001 petits délits commis par nos ancêtres et qui prêtent plutôt à sourire aujourd’hui.

Certes, ils ont enfreint la loi et ont été sanctionnés en conséquence mais après quelques décennies la plupart de ces affaires me semblent plus cocasses que tragiques.

Entendons-nous bien, il ne s’agit en aucun cas de se moquer ou de refaire le procès de ces personnes. Mon objectif est simplement de (re)mettre en lumière des événements qui ont sans doute déjà diverti la population montlauraise en leur temps.

Le délai de communicabilité des compte-rendus d’audiences judiciaires étant de 75 ans, je retiens à mon tour ce critère pour sélectionner les anecdotes à partager sur ce blog.

Un braconnier qui ne manque pas de répartie

Les affaires jugées au cours de l’audience correctionnelle du 3 mars 1932 à Carcassonne, sont on ne peut plus classiques : échanges de coups, vagabondage, usage de faux et escroquerie.

Un cas en particulier a retenu mon attention : en effet, ce jour-là, un Montlaurais dont le nom parlera à beaucoup d’habitants actuels est convoqué devant le juge…

C’est L’Echo de Carcassonne dans son édition du 4 mars 1932 qui nous résume les faits et la peine prononcée.

article relatant des faits de braconnage et insultes au garde-chasse
L’Écho de Carcassonne du 3 mars 1932 – source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque Nationale de France

Le garde Figuet, de la Fédération de chasse, a surpris sur le territoire de la commune de Montlaur le nommé Georges Arnaud qui tendait des pièges à lapins. Le garde lui ayant dressé procès-verbal, Arnaud le traita de voyou, fainéant, ajoutant : « je t’em… ». 25 fr. d’amende avec sursis pour outrages, 100 fr. pour délit de chasse. – Défenseur, Me Raynaud.

Le point de départ de cette histoire est assez banal : les affaires de braconnage ou de pêche en période prohibée sont alors légion. On en trouve à longueur de pages, dans les journaux comme dans les registres du tribunal correctionnel.

En revanche, ce qui l’est moins c’est la réaction du braconnier ! Dans la plupart des cas, le coupable surpris par le garde-chasse se soumet à son autorité. Georges Arnaud, lui, n’est visiblement pas décidé à se laisser faire ! Il ne cache rien de sa façon de penser au pauvre garde-chasse qui ne s’attendait sans doute pas à recevoir une telle volée d’insultes.

Quant à notre concitoyen Georges Arnaud, il n’imaginait sans doute pas être convoqué devant le tribunal correctionnel pour de simples pièges à lapins et quelques malheureuses paroles échappées sous le coup de la colère !

Un juge relativement clément

Le compte-rendu du journaliste de L’Écho de Carcassonne étant plutôt succinct, pour en apprendre d’avantage, il faut se plonger dans les archives judiciaires, conservées en série U aux archives départementales.

Tous les jugements rendus par le tribunal correctionnel de Carcassonne y sont notamment conservés. Et effectivement, à la date du 3 mars 1932, on retrouve bien la condamnation de notre Georges Arnaud.

Son état civil est décliné ainsi qu’un bref résumé des faits qui lui sont reprochés.

extrait du compte-rendu d'audience de Georges Arnaud, précisant son état civil et les faits reprochés
extrait du compte-rendu d’audience de Georges Arnaud – source : archives départementales de l’Aude

Marié et père de deux enfants, Georges Arnaud est le fils de Barthélémy Arnaud et Julie Sournies. En janvier 1932, il se serait rendu coupable de deux infractions :

  • outrage à agent,
  • braconnage.

La suite du document précise les circonstances de son arrestation en flagrant délit.

Détails des faits ayant conduit à l'arrestation de Georges Arnaud pour braconnage et outrage à agent
extrait du compte-rendu d’audience de Georges Arnaud – source : archives départementales de l’Aude

On découvre donc que Georges Arnaud, surpris une première fois à son insu, en train de poser des collets à lapin, était surveillé de près par le garde-chasse.

Ce dernier n’a donc qu’à attendre que le braconnier revienne pour relever ses pièges. Cela ne rate pas, Arnaud revient dès le lendemain. Appliquant la loi, Figuet qui se cachait sans doute dans les environs, lui dresse un procès-verbal.

Pris en flagrant-délit, Georges Arnaud ne peut contester les faits. Sans doute agacé d’avoir été si facilement piégé et voyant son butin lui échapper, il exprime son mécontentement de façon plutôt virulente au garde-chasse.

Si le juge reconnait Arnaud coupable des deux infractions qui lui sont reprochées, il décide toutefois de se montrer assez clément. C’est sans doute la première fois que notre homme se fait prendre.

détail de la condamnation de Georges Arnaud, accusé de braconnage
extrait du compte-rendu d’audience de Georges Arnaud – source : archives départementales de l’Aude

Arnaud est donc condamné à 100 francs d’amende pour braconnage et ses collets sont confisqués. Quant aux insultes proférées, elles lui valent une amende de 25 francs, avec sursis seulement. Arnaud doit en outre régler 109,30 francs de frais de justice. Toute cette histoire lui a sans doute coûté beaucoup plus cher que prévu !

Je me demande comment cette histoire a été vécue au village. Les habitants ont-ils soutenu Georges Arnaud ? Ont-il estimés, eux aussi, que le garde-chasse allait vraiment trop loin ? Ont-ils, au contraire, trouvé que la punition de Georges Arnaud était bien méritée ? Peut-être encore, se sont-il désintéressés de l’affaire ?

Ce qui est sûr, c’est que si d’autres Montlaurais avait l’habitude d’améliorer l’ordinaire avec le fruit de leur braconnage, ils ont du se montrer particulièrement prudents et méfiants pendant quelques temps.

SOURCES :

En savoir plus sur Histoire(s) de Montlaur

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Un avis sur « Un braconnier au caractère bien trempé »

Laisser un commentaire