Etudier l’histoire locale d’un village nous fait voyager d’une époque à l’autre au gré des faits divers qui ont marqué le quotidien de ses habitants.
Si l’histoire ancienne de Montlaur a régulièrement fait l’objet de publications scientifiques, et même si j’ai un faible pour les histoires de crânes trépanés, c’est l’histoire contemporaine et parfois même très récente de mon village qui me passionne et que je souhaite partager sur ce blog.
De même, je ressens un attrait particulier pour la domesticité du quotidien, les destins extraordinaires de gens ordinaires, les chamailleries et menus larcins qui ont rythmé la vie de nos prédécesseurs en ces lieux et nous font sourire ou nous émeuvent aujourd’hui.
C’est pourquoi j’aime beaucoup feuilleter la presse ancienne, si riche en faits divers capturés sur le vif. Je trouve dans ces vieux journaux une grande partie de mon inspiration. En effet, c’est bien souvent la découverte d’une information drôle ou insolite qui me pousse à effectuer des recherches historiques ou généalogiques pour vous en parler.
C’est donc une histoire de cambriolage qui va nous occuper aujourd’hui. Mais un cambriolage un peu particulier puisqu’il se déroule dans une distillerie coopérative et que le butin consiste donc en plusieurs dizaines de litres d’alcool. Un coup de la bande à Al Capone en vacances dans le Sud de la France ?
Un vol audacieux
Le 15 février 1933, L’écho de Carcassonne, journal d’annonces légales, se fait l’écho d’un vol qui s’est produit quelques nuits plus tôt dans les locaux de la distillerie coopérative de Montlaur. Voyez plutôt…

VOL – Dans la nuit du 13 au 14 février courant, un vol d’alcool a été commis au préjudice de la Distillerie Coopérative de Montlaur.
La quantité d’alcool volée se monterait à 184 litres. Le ou les auteurs de ce vol doivent être entrés au moyen de fausses clés, car on n’a pas trouvé de trace d’effraction.
La gendarmerie a immédiatement ouvert une enquête.
Une distillerie coopérative à Montlaur
Pour être parfaitement sincère avec vous, je dois vous avouer qu’avant de découvrir cet article dans la presse et de préparer cet article, j’ignorais totalement qu’il y avait eu une distillerie coopérative à Montlaur. Quelque recherches s’imposaient donc.
Une distillerie difficile à retrouver
Je tente une première recherche sur internet et notamment sur ce blog qui présente une incroyable collection de photographies et cartes postales anciennes représentant caves et distilleries coopératives de France et d’ailleurs.
Malheureusement, seule la cave coopérative de Montlaur y figure. En poursuivant mes recherches, je trouve bien ici et là mention d’un projet de distillerie privée puis d’une distillerie coopérative mais sans plus de détails.
Je me souviens alors qu’il y a quelques mois, j’ai sauvé de la déchetterie une caisse de vieux papiers ayant vraisemblablement appartenu à une famille de viticulteurs. Je n’ai pas encore eu le temps de tous les examiner alors sans trop y croire, je me décide à vérifier si parmi les quelques documents restants ne se cacheraient pas des informations relatives à la distillerie.
La chance me sourit enfin
Coup de chance extraordinaire, glissée entre deux revues, je trouve cette fine brochure au titre prometteur.

A la lecture des statuts, j’apprend que la Société Coopérative de Distillation des Vignerons de Montlaur et environs a été constituée le 25 mai 1924. Elle compte alors 141 membres.
La brochure nous apprend encore que ses statuts ont été modifiés le 10 février 1935 puis le 17 janvier 1937 pour les mettre en conformité avec l’évolution des lois et décrets relatifs aux coopératives. La société montlauraise compte 189 membres en 1937.
Mon enquête allait de nouveau tourner court lorsque, grâce à un habitant bien informé, appelons-le monsieur F, j’ai découvert de nouvelles informations.
Tout d’abord, j’ai pu consulter une monographie consacrée au village et rédigée en 1952 par un élève de l’école normale de Carcassonne. Ce jeune homme décrit avec application son village sur plus de 60 pages et débute ainsi son propos : On n’aime vraiment bien que ce l’on connaît bien. Voilà une devise qui me plaît !
Entre autres sujets, l’auteur de la monographie consacre toute une page à la distillerie coopérative et nous apprend notamment que des travaux de modernisation ont été réalisés en 1949. Il illustre son propos par une photographie de la distillerie, malheureusement assez peu lisible sur les scans dont je dispose.
La distillerie dispose de son propre laboratoire d’analyses et produit alors en moyenne 20 hL d’alcool pur par an. La rectification, c’est à dire l’abaissement du taux d’alcool permettant la commercialisation de l’eau de vie, se fait également sur place.
Presque 10 ans plus tard, la distillerie coopérative existe encore, comme en témoigne l’Annuaire officiel des abonnés au téléphone de 1961.

Elle a en revanche déjà disparu dans l’édition de 1975, également en ma possession. Depuis quand a-t-elle cessé son activité ? Impossible à déterminer de façon plus précise pour le moment. Je sais désormais seulement qu’elle a fonctionné pendant 40 à 50 ans.
De même, je ne connais pas les raisons exactes pour lesquelles elle a fermé mais j’en apprendrai sans doute plus au fil de mes découvertes de documents et de mes échanges avec les Anciens du village.
L’emplacement de l’ancienne distillerie
C’est également en échangeant avec mon précieux informateur que j’ai découvert l’emplacement de cette ancienne distillerie. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que si toute activité de distillation a cessé depuis plusieurs décennies, le bâtiment principal abrite aujourd’hui… le foyer municipal !
Sur le parking supérieur, la bascule et son local technique ont survécu jusqu’à nos jours mais se dégradent malheureusement d’année en année. Sur la façade nord du bâtiment, on aperçoit encore le fantôme des 3 larges portes visibles sur la photographie de 1952, aujourd’hui comblées.
Quant aux voleurs, ont-ils jamais été identifiés ? Je n’ai pas trouvé la réponse dans la presse. Les archives judiciaires m’en apprendront peut-être plus.
SOURCES :
- Gallica,
- informations transmises par monsieur J.F.,
- Taudou Georges – Monographie de Montlaur (1952).
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Un avis sur « Vol d’alcool à la distillerie coopérative ! »